Reportage sur la confiance : Tour d’horizon d’un état d’esprit aux multiples facettes

Magazine: Confiance dans la société – Septembre 2019

Présomption, impression, croyance, posture, conviction, spéculation, attente, pari – les scientifiques, les économistes, les politiciens et les milieux de la culture et des médias ne manquent pas de mots ni de synonymes pour décrire la confiance. Mais ils sont unanimes sur un point : la confiance est une disposition mentale inexplicable et des plus complexes. Petit tour d’horizon, pour commencer ce nouveau numéro du magazine ceo.

Un cercle vicieux

La notion de défiance est relativement récente et fait l’objet de controverses. Est-elle le contraire de la confiance, doit-elle être assimilée à une moindre confiance ou n’a-t-elle rien à voir avec la confiance ? La recherche comportementale décrit la défiance comme une réticence à accepter la vul­nérabilité, reposant sur une perception en tous points négative des motifs, des intentions ou des modes de comportement du vis-à-vis. La défiance s’autoalimente pour ainsi dire, étant donné qu’une pensée et une action défiantes renforcent les attitudes et les comportements suspicieux. Selon les études les plus récentes, la défiance constitue un état d’esprit en soi, généré par des facteurs autres que ceux qui induisent la confiance. Des études en neurosciences et neuro­biologie montrent que lorsqu’une personne fait preuve de confiance ou de défiance, les zones activées dans le cerveau sont différentes et les hormones libérées sont également différentes.

Sources : Prof. Dr Antoinette Weibel, Institute for Work and Employment Research,
Université de Saint-Gall; Bijlsma-Frankema et al., 2015; Dimoka, 2010; Zak, Kurzban & Matzner, 2005

Confiance et optimisme vont de pair

La confiance est source de sécurité. Elle donne aux individus le sentiment que les personnes ou les autorités « font bien les choses ». La confiance que les Suisses ont dans leurs institutions est presque inégalée dans le monde. Il est intéressant de constater la corrélation positive entre la confiance dans les autorités et l’optimisme des personnes. Par ailleurs, la Constitution fédérale ne prévoit pas de vote de défiance parlementaire contre des membres isolés du gouvernement ou contre l’ensemble du gouvernement.

Nation de la confiance

La Suisse est culturellement hétérogène et la volonté du citoyen ou d’un groupe de citoyen compte. Pour autant, nombreux sont celles et ceux qui définissent l’identité du pays selon les mêmes critères : un niveau de prospérité élevé, des institutions politiques fiables, un bon système de formation, un site économique stable, une place financière forte et de beaux paysages. La neutralité est également un élément constituant et indissociable de l’identité et liée à la conception de l’État.

Sources: Panorama des administrations publiques 2017, OCDE; Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2018

Un mot sur le mot

Au sens strict du terme, faire confiance renvoie à l’idée qu’on peut se fier à quelqu’un ou à quelque chose. Le verbe confier (du latin confidere : cum, « avec » et fidere « fier ») signifie, en effet, qu’on remet quelque chose de précieux à quelqu’un, en se fiant à lui et en s’abandonnant ainsi à sa bienveillance et à sa bonne foi … Depuis la modernité, … nombreux sont ceux qui préfèrent concevoir la confiance comme un mécanisme de réduction des risques, ou comme le fruit d’un calcul rationnel, en laissant de côté ce qui nous paraît être une composante essentielle de notre confiance : le fait qu’elle place d’emblée celui qui fait confiance dans un état de vulnérabilité et de dépendance.

Source : www.cairn.info/publications-de-Michela-Marzano--6280.htm

La sécurité, un crédo

Dans la communauté internationale, la Suisse est considérée comme digne de confiance, particulièrement lorsqu’il s’agit de prestations bancaires et de services financiers. Les raisons à cela sont diverses. D’une part, la Suisse s’adapte aux tendances des marchés mondiaux et a aboli, par exemple, le secret bancaire ou les régimes fiscaux. D’autre part, la Suisse offre une sécurité juridique élevée, ce qui en fait un partenaire fiable pour les entreprises et, donc, un site attrayant. Et enfin, la démocratie directe permet d’impliquer chaque citoyenne et chaque citoyen dans le processus de décision politique.

Sources : Baromètre de confiance Edelman 2019 ; exchangemarket.ch d’août 2018

Ambivalence numérique

L’électorat suisse est partagé sur les conséquences des nouvelles technologies pour la société. Malgré le risque de disparition que fait peser le progrès technologique sur les emplois, 75 pourcent des sondés jugent peu probable que leur travail soit automatisé dans les 20 prochaines années. Les technologies numériques offrent un meilleur aperçu du marché du travail et améliorent les conditions de travail. De plus, elles encouragent la créativité au travail. Pour autant, la crainte augmente de devoir être joignable en permanence. Une majorité pense que la numérisation apporterait un certain confort à la société et la rendrait plus vulnérable, dévaloriserait la communi­cation entre les personnes et provoquerait des maladies psychiques.

Source : Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2018

Une spirale fatale

La notion de défiance est relativement récente et fait l’objet de controverses. Est-elle le contraire de la confiance, doit-elle être assimilée à une moindre confiance ou n’a-t-elle rien à voir avec la confiance ? La recherche comportementale décrit la défiance comme une réticence à accepter la vulnérabilité, reposant sur une perception en tous points négative des motifs, des intentions ou des modes de comportement du vis-à-vis. La défiance s’auto­alimente pour ainsi dire, étant donné qu’une pensée et une action défiantes renforcent les attitudes et les comportements suspicieux. Selon les études les plus récentes, la défiance constitue un état d’esprit en soi, généré par des facteurs autres que ceux qui induisent la confiance. Des études en neuro­sciences et neurobiologie montrent que lorsqu’une personne fait preuve de confiance ou de défiance, les zones activées dans le cerveau sont différentes et les hormones libérées sont également différentes.

Sources : Prof. Dr Antoinette Weibel, Institute for Work and Employment Research, Université de Saint-Gall; Bijlsma-Frankema et al., 2015; Dimoka, 2010; Zak, Kurzban & Matzner, 2005

Fidèles compagnons de tous les jours

Du matin au soir, les marques nous accompagnent jour après jour. Nous en aimons certaines, nous en détestons d’autres ; certaines ont notre confiance, d’autres notre défiance et d’autres encore nous sont indifférentes. Le succès d’une marque dépend de nombreux facteurs : la qualité, le rapport qualité-­prix, l’image. Les marques auxquelles les Suissesses et les Suisses font le plus confiance sont Coop Bau+Hobby, Volkswagen, Tessin, Raiffeisen, Ricola, La Mobilière, Nivea, Fielmann, Burgerstein ou Emmi.

Source : Étude de marché «Marque de confianceMD 2019», Reader’s Digest

Investir avec clairvoyance

Le comportement d’une entreprise avec son personnel est l’un des meilleurs indicateurs de sa fiabilité. L’énorme potentiel de confiance qui existe entre l’employeur et l’employé peut être transformé en plus-value si l’entreprise prend les aspirations de son personnel au sérieux et respecte sa part de la promesse. La confiance donne aux dirigeants le courage de déléguer les décisions, d’assumer leur responsabilité personnelle et de façonner activement le changement dans l’entreprise. De plus, la confiance agit comme un ciment dans des équipes appelées à se renouveler plus souvent et à faire de leur pluridisciplinarité un avantage concurrentiel. Enfin, la confiance favorise la résilience et génère les ressources nécessaires pour gérer des charges de travail importantes et un environnement toujours plus exigeant.

Sources : Baromètre de confiance Edelman 2019 ( graphique ); « Trust rocks! Aktives Vertrauen als Grundstein für das Gelingen der Neuen Arbeit » ( La confiance active au service de la réussite du nouveau travail ) d’Antoinette Weibel, Simon Schafheitle et Margit Osterloh

Bonnes notes pour l’économie

Les Suisses sont fiers de leur économie en comparaison internationale. Cette impression est confirmée par la réalité des chiffres : sur la liste des pays classés selon le produit intérieur brut par habitant, la Suisse occupe la deuxième place. Pour autant, 41 pourcent des électeurs estiment que l’économie suisse échoue souvent.

Source : Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2018; Fonds monétaire international (FMI), avril 2018; Office fédéral de la statistique

Soif de vérité

De nombreux Suisses estiment qu’Internet a simplifié la découverte des contrevérités. Parallèlement, la majorité est convaincue que la part de fausses nouvelles a augmenté depuis l’arrivée d’Internet dans les médias traditionnels aussi. Certes, la confiance dans les sources officielles et étatiques est élevée mais, au quotidien, l’intuition personnelle a toujours tendance à dicter les décisions. La diffusion de mensonges et de fausses nouvelles est jugée comme un danger réel pour la démocratie directe et la cohésion sociale.

Source : « Wahrheit und Lüge in Zeiten von Fake News – Einstellung der Schweizer Bevölkerung » ( Vérité et mensonge à l’ère des fake news – Que pense la population suisse ? ), institut de sondage d’opinion sotomo, sur mandat de Stapferhaus Lenzburg, octobre 2018

Anciens thèmes, nouveaux soucis

Monsieur et Madame Suisse sont satisfaits, du moins en comparaison internationale. Le chômage, souci n° 1, perd du terrain, la numérisation génère moins de crainte de perdre son travail. Et pourtant, il reste beaucoup à faire. Les préoccupations les plus urgentes de la population suisse sont la retraite, la santé et la migration. Une personne interrogée sur six craint les difficultés matérielles. L’inquiétude dans les domaines des salaires et de la nouvelle pauvreté grandit. Les inégalités sociales se renforcent et le nombre de travailleurs pauvres augmente.

Source : Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2018

Le « saut » dans le vide

La science désigne par « saut de la confiance » un acte consistant à se livrer et à s’abandonner, et qui accroît sa propre vulnérabilité vis-à-vis du dépositaire de notre confiance. Car seul celui qui, au sens propre, saute dans le vide saura a posteriori si sa confiance était justifiée. Faire confiance signifie toujours aussi s’en remettre à quelqu’un, ne pas pouvoir tout savoir, tout expliquer ou tout justifier. La confiance est donc d’autant plus importante. En conséquence, les entreprises ont intérêt à accepter les décisions prises par intuition et à les encourager comme faisant partie de la culture d’entreprise. À cet effet, elles doivent reconnaître l’irrationalité comme une composante clé de la coopération.

Sources : Prof. Dr Antoinette Weibel; Institut de recherche sur le travail et les mondes du travail, Université de Saint-Gall; Möllering, 2006; Zand, 1972

Pas de données, pas d’infractions

Les Suisses ont toujours plus de réticence à mettre leurs données personnelles sur Internet. Ces craintes concernent plus particulièrement la divulgation du numéro de compte, la publication de vidéos ou de photos personnelles, la révélation de maladies ainsi que l’annonce de son statut sur les médias sociaux. Monsieur et Madame Suisse se sentent davantage menacés par les géants du numérique tels que Google ou Facebook. Le scepticisme accru envers les paiements en ligne les sensibilise à la nécessaire prudence en matière de mots de passe. En même temps, les Suisses sont nombreux à penser que la protection des données est bien réglée en Suisse.

Source : étude de confiance 2019 relative à la sécurité des données de comparis.ch

Monnaie forte aux traits doux

L’argent est fragile, car la valeur d’une monnaie dépend de la confiance dont elle bénéficie. La Suisse est fortement tributaire de l’évolution du franc suisse. Ce dernier est considéré depuis longtemps comme digne de confiance et monnaie refuge n° 1. Ce qui est une conséquence notamment de la confiance marquée dans l’État de droit suisse et de la bonne stabilité des prix en Suisse. L’argent ne fonctionne comme unité de calcul stable et comme moyen de maintenir la valeur que si la société part du principe qu’il continuera à exercer ces fonctions à l’avenir aussi.

Sources : recherches propres de PwC et « Zerfällt das Vertrauen in Geld, zerfällt auch die Gesellschaft » (Si la confiance dans l’argent disparaît, c’est la société qui se délite), NZZ du 12.10.2018

Un CEO et 9 règles pour être digne de confiance

  1. Prendre l’initiative lors de changements
  2. Adopter une position claire sur des thèmes clés
  3. Être visible, dans l’entreprise et en dehors
  4. Parler de soi, de ses valeurs ou de sa réussite
  5. Rester accessible et parler aux gens dans leur langue
  6. Prendre des décisions étayées par des données et des faits
  7. Communiquer régulièrement et directement
  8. Placer les collaborateurs, et non soi-même, au cœur de la démarche
  9. Incarner les valeurs de l’entreprise

Source : Baromètre de confiance Edelman 2019

Pour le bien de l’environnement

Les préoccupations environnementales sont, en 2018, un thème central pour près d’un cinquième de la population suisse. Elles se trouvent à un niveau encore jamais atteint depuis 2006 sur l’échelle des préoccupations. L’été exceptionnellement chaud de 2018 et le mouvement des grèves étudiantes pour le climat ont probablement réveillé les consciences et renforcé la sensibilité pour la protection du climat et le réchauffement inéluctable de la planète.

Sources : recherches propres de PwC et Baromètre des préoccupations du Credit Suisse 2018