Être, ne pas être – ou être virtuellement

Au cinéma comme à la télévision, Marc Forster raconte des histoires divertissantes et importantes. Il nous parle de l’influence de la technologie sur le cinéma, sur la télévision aussi, et souligne la place toujours essentielle de l’art.

Texte: Eric Johnson | Photos: mis à disposition | Magazine: Life & Science – Juillet 2017

À Hollywood, royaume de l’égo surdimen­sionné, Marc Forster ne fait preuve d’aucune suffisance. Non, le cinéma n’est pas ce qu’il y a de plus important dans la vie. La plupart des gens n’ont jamais vue d’images animées, nous dit-il. « L’homme a besoin de très peu de choses pour vivre, et certainement pas de films. » Il ajoute toutefois que chacun, en son for intérieur, a besoin d’histoires, besoin d’en raconter ou, en tout cas, d’en entendre. « Les hommes préhistoriques peignaient déjà sur les parois des cavernes. Nous avons un besoin inné de raconter des histoires. Cette pulsion prend vie dans des images, il en a toujours été ainsi. »

La vie et la mort sont, depuis toujours, des thèmes récurrents dans les histoires. Si les films de Forster ne font pas exception et tournent souvent autour de la mortalité, ce n’est pas un hasard. À tout juste 20 ans, le cinéaste, âgé aujourd’hui de 48 ans, a perdu son père, un frère et plusieurs amis. « Dans ma jeunesse, j’ai été souvent confronté à la mort », se souvient-il. « M’en préoccuper est devenu naturel pour moi. »

« Narration cinématographique et réalité virtuelle se mêlent. »

En revanche, le manque de rapport avec la mort est devenu un symptôme de la société moderne. Pour Forster, les cultures occidentales ont perdu ce qu’il appelle un « droit à la mort ». Au lieu de reconnaître son inévitable finitude, sans parler de la peur et du deuil, l’homme l’occulte ou l’ignore. « La mort a beau être une étape inévitable de notre voyage et de notre passage sur cette terre, personne n’aime y penser. » Pour lui, cela revient à nier l’humanité. « La société dans sa globalité doit regarder la mort dans les yeux. Nous devons accepter les arrivées et les départs et, donc, le caractère éphémère de notre propre existence », nous dit le cinéaste.

Sans aucune ironie, il explique que celui qui accepte la mort enrichit sa vie. « Comprendre que la mort peut survenir à tout instant, nous met en situation de vivre dans l’instant présent et de recevoir chaque moment comme un cadeau. C’est quelque chose d’in­croyablement difficile. Mais celui qui ne ressent jamais de tristesse, aucune douleur ou qui n’est jamais confronté à la mort aura beaucoup de peine à apprécier véritablement les meilleurs moments de la vie. Prétendre n’avoir ‹ zéro problème ›, c’est mener une vie stérile. »

Est-il a ) allemand, b ) suisse, c ) américain ou d ) tout à la fois ? Marc Forster est né en Allemagne en 1969, d’une mère allemande et d’un père suisse. À neuf ans, il arrive à Davos, en Suisse, avec sa famille. Plus tard, il prépare et obtient sa maturité à l’Institut Montana Zugerberg près de Zoug. Il étudie ensuite le cinéma à la New York University’s filmschool. Depuis, il vit et travaille principalement aux États-Unis. Il a réalisé une douzaine de grands films, ainsi qu’une série TV. Grâce à son expérience et à sa parfaite maîtrise de l’allemand, du suisse-allemand et de l’anglais, Forster se sent chez lui dans les trois pays. En tant que personne, il est considéré comme Européen par ses pairs du cinéma. Professionnellement, il est marqué par la culture américaine. Une grande partie de ses œuvres sont conçues, financées et tournées aux États-Unis.

Le public entre dans le film

Dans ses films, Forster aborde des thèmes difficiles avec beaucoup de délicatesse. Le message, transmis par le biais d’une histoire, n’est pas exprimé directement. Pour Forster, il est aussi impor­tant de divertir que de faire passer un message. « Un film sans public ne vit pas. C’est le public qui fait vivre un film. C’est pourquoi je veux toujours à la fois divertir et impliquer le public dans l’histoire. En même temps, j’aimerais aussi transmettre ma vision du monde. »

À tel point, que le cinéaste n’accepte que des projets qu’il rendra uniques. Il n’est pas du genre à faire du « prêt-à-porter » pour un cinéma commercial. Une attitude qui l’a déjà conduit à refuser des propositions. « Je veux raconter des histoires qui reflètent mon identité », explique-t-il. « Il est primordial, pour moi, de pouvoir m’exprimer afin d’insuffler mon ADN à un projet. »

Caméléon de l’écran – plus de 20 ans de succès cinématographique

Outre son extraordinaire talent souligné par les critiques, attesté par les récompenses reçues ( Oscar, Golden Globe ) et par la fidélité d’un immense public dans le monde entier, Marc Forster reste difficile à catégoriser, car ses films sont incroyablement éclectiques. Ses œuvres vont du film mi-fictionnel comme « Neverland » aux voyages de découverte personnelle comme « À l’ombre de la haine » ou « All I See Is You » ou aux blockbusters comme « World War Z », le 22e volet de la saga des James Bond « Quantum of Solace », ou même à la comédie comme « L’Incroyable Destin de Harold Crick ». Actuellement, Forster dirige la mise en scène du film d’action « Christopher Robin », l’histoire d’un homme qui doit faire face à une vie d’adulte plutôt difficile après avoir vécu une enfance de rêve. Le film est une version live de « Winnie l’Ourson », œuvre du romancier A. A. Milne, rendu célèbre par Disney. La sortie sur les écrans est prévue pour 2018.

Le message est-il le média ?

Les supports de transmission de cet ADN évoluent, bien sûr. Les limites tradi­tionnelles entre cinéma, télévision et jeux vidéo s’estompent en raison de la multiplicité des formes de représentation (cinéma, TV, streaming) et de l’apparition des effets spéciaux et de la réalité virtuelle. « La narration pure et la réalité virtuelle se mêlent dans un film », nous dit Forster. « Le public est tou­jours plus impliqué, non seulement émotion­nellement mais aussi physiquement. »

Les nouvelles technologies comme l’Oculus Rift, le balayage de la rétine de Google et les lunettes-caméras Spectacle de Snapchat n’existent pour l’instant qu’en version bêta, mais elles incarnent l’avenir du cinéma. « Il y a tellement de nouveautés que nous en sommes encore au stade expérimental. Nous explorons de nouveaux effets cinéma­tographiques et de nouveaux supports de narration. Chaque changement et chaque défi est une chance pour la créativité », explique-t-il. « L’évolution de la narration est inéluctable et ouvrira de nouvelles perspectives sur notre vision de nous-mêmes et du monde. »

« La mort est une étape inévitable de notre passage sur cette terre, mais personne n’aime y penser. »

Si les techniques de représentation des histoires évoluent rapidement, les techniques de production demeurent étonnamment similaires, que ce soit pour le cinéma ou pour la TV. Lorsqu’il a tourné sa première série TV « Hand of God », Forster a utilisé des méthodes et des équipements quasiment identiques à ceux du cinéma. Seule l’approche diffère quelque peu entre les deux médias. « Pour un film de télévision, les prises se font en dix jours et le montage en deux semaines. Un film destiné au cinéma est nettement plus chronophage, en termes de travail, de changements, d’avant-premières avec public suivies de nouveaux changements. Par ailleurs, la télévision est un média continu. Nous devons donc livrer une histoire en épisodes, une histoire qui a une suite. Au cinéma, l’histoire est terminée à la fin du film. Nous n’avons qu’une chance. De ce fait, l’investissement est plus grand. » Les exigences dramatiques sont également nettement différentes. Selon des sondages auprès du public, les spectateurs souhaitent traditionnellement un dénoue­ment à la fin du film : un couple se forme, les problèmes sont résolus, etc. En revanche, les télés­pectateurs sont tenus en haleine par des histoires souvent sans fin. Et pour cause, l’objectif des diffuseurs est de maintenir l’audimat à un niveau élevé de semaine en semaine.

Innovation surmontée

Pour Forster, ces différences s’estompent peu à peu. Car le cinéma, la télévision et les jeux changent. La forme narrative survivra sans aucun doute. De même que le dosage subtil de la dimension artistique, qui permet de différencier l’excellent du bon, et le bon du médiocre.

Fidèle à lui-même, Forster reste discret sur sa propre source d’inspiration. Les critiques ont moins de retenue et le considèrent comme l’un des plus grands réalisateurs de son temps. Sur la nécessité de la créativité, il est tout à fait explicite. « Le cinéma est un art qui repose sur un travail d’équipe. Ce type de narration exige une énorme créativité commune. » Inventivité, richesse des idées, imagination sont des facteurs clés pour une bonne histoire. Des qualités qui, à leur tour, restent essentielles pour la vie humaine.

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Source : www.boxofficemojo.com

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