Quels sont actuellement les trois plus grands défis pour la Suisse ?
Premièrement, des relations stables avec l’Union européenne. Cela repose sur des traités bilatéraux qui, à la demande de l’UE, devraient être désormais encadrés pour garantir davantage de sécurité juridique à toutes les parties. L’accord-cadre est primordial pour nous afin de renforcer les rapports existants avec l’UE et de poursuivre sur la voie bilatérale. Dans les milieux économiques, cette position est assez consensuelle, mais il faut encore discuter certains points de politique intérieure et extérieure avant que la population puisse s’exprimer par votation. Le deuxième défi est la question du climat. À ce jour, l’économie a nettement dépassé les objectifs posés en matière d’émissions de CO2. Principalement grâce aux conventions d’objectifs avec la Confédération, qui étaient toutefois limitées aux entreprises d’une certaine taille. Dans la nouvelle loi sur le CO2, nous voulons que toutes les entreprises puissent suivre cette voie. Le troisième grand défi est celui d’une prévoyance vieillesse durable. L’AVS et la LPP doivent être stabilisées et financées en tenant compte de l’évolution démographique.
Les rapports Suisse-UE ne semblent pas vraiment reposer sur la confiance…
Je n’en suis pas si sûr. La question est de savoir quelle est l’attitude de la majorité de la population face aux accords bilatéraux. Les sondages révèlent un net soutien à la voie bilatérale, même si l’UE est critiquée et que l’autodétermination de la Suisse est portée aux nues. À l’approche de votations importantes, il est d’autant plus important de souligner les chances et les risques et d’évaluer le poids de chacun.
L’économie est-elle le bon vecteur pour cela ? Il semble en effet que la confiance témoignée par la population soit quelque peu égratignée.
Ceux qui critiquent le plus fort ne reflètent pas toujours la véritable opinion de la majorité de la population. Selon les enquêtes, la confiance de la population dans l’économie était encore assez élevée jusqu’à la crise financière. Ensuite elle a souffert. Mais depuis, les chiffres sont encore plus hauts qu’avant la crise financière.
Comment expliquez-vous alors l’échec du projet fiscal 17 ?
Une analyse rétrospective a révélé que la population jugeait le projet plutôt déséquilibré. Mais il n’y a pas de défiance de fond. Selon la dernière étude de l’EPF de Zurich sur la confiance, la population fait preuve
d’un taux de confiance dans les institutions encore jamais atteint depuis le lancement de l’enquête en 1992.
Actuellement, la numérisation plonge la population dans l’incertitude. Comment ressentez-vous cela ?
Par principe, les changements font partie de la vie. Ce qui est nouveau, toutefois, c’est la vitesse à laquelle ils se produisent. Pensez au Smartphone et à la manière dont il a bouleversé notre vie. Bien des gens se demandent où tout cela va nous conduire. Souvent aussi, tout simplement faute de connaissances ou faute de vouloir ou pouvoir se confronter à la question.
Comment y réagissez-vous ?
Nous avons beaucoup publié sur la numérisation et nous organisons des manifestations pour débattre de la question avec la population. La numérisation offre des opportunités incroyables, mais suscite aussi des inquiétudes. On sait, par exemple, que la formation continue toute la vie durant est importante. Mais comment inciter des gens à changer encore d’emploi à un âge quelque peu avancé ou à effectuer une reconversion ? La numérisation soulève de nombreuses questions de politique économique et sociale.
« Aujourd’hui, il est beaucoup plus difficile de se faire entendre. »
economiesuisse pourrait de nouveau poser des jalons ici, comme elle l’a déjà fait avec succès dans le passé. On l’a même appelée le huitième Conseiller fédéral…
C’est plutôt une légende. Mais si l’on considère les votations, force est de constater que nous gagnons neuf fois sur dix lorsqu’elles portent sur des objets économiques importants. C’était déjà le cas il y a 20 ou 30 ans. La seule chose qui a changé aujourd’hui, c’est qu’il est beaucoup plus difficile de se faire entendre. Notamment parce que les institutions ont perdu de leur aura et que toujours plus d’organisations et d’individus s’expriment publiquement. Les médias sociaux ont libéré la parole comme jamais.
Une confiance bâtie au fil des ans peut être réduite à néant en un instant. Quelle importance la gestion des risques revêt-elle chez economiesuisse ?
Nous avons deux approches. À moyen et long terme, il s’agit d’être ouvert aux thèmes sociaux et sociétaux qui préoccupent la population de manière latente. Nous devons nous saisir de ces tendances et les intégrer lorsque nous traitons de questions économiques. À court terme, c’est surtout une question de communication. Comment communiquons-nous ? Comment réagissons-nous à une information ? C’est notre travail quotidien. Une bonne préparation est indispensable ici, car la confiance est très vite ruinée.
Comme avec les salaires disproportionnés des managers ?
Les salaires excessifs sont un sujet qui a été réglé par l’ordonnance contre les rémunérations abusives dans la foulée de la votation de 2013. Les actionnaires assument aujourd’hui davantage de responsabilité, ce qui a conduit à nettement moins d’aberrations dans les compensations et à une meilleure transparence. L’État ne doit pas intervenir dans la politique des salaires.
Pourtant, un scandale dans une entreprise déteint rapidement sur l’ensemble de l’économie et aussi sur economiesuisse.
C’est ainsi. Mais ce n’est pas justifié, car cela prend en otage 500’000 entreprises en Suisse. Des entreprises qui font un excellent travail pour lequel la Suisse est admirée dans le monde.
Qu’est-ce qui vous donne la confiance qu’il en sera ainsi à l’avenir encore ?
La prospérité durable de la Suisse fait que cette question a déjà été posée souvent ces dernières décennies. Il est vrai que la Suisse réussit toujours à faire partie des pays les plus innovants et les plus compétitifs. La confiance joue ici un rôle important : le pays et ses entreprises sont synonymes de fiabilité, de qualité élevée, de prévisibilité et de sécurité juridique. Ce sont nos moteurs de réussite. Et je suis confiant dans le fait qu’ils continueront à bien fonctionner à l’avenir.
Heinz Karrer – à titre personnel
Quel sommet souhaiteriez-vous encore gravir ?
Le Piz Badile. C’est une montagne prisée des alpinistes, devenue malheureusement difficile d’accès en raison d’un éboulement.
Et des montagnes plus élevées à l’étranger ?
J’ai gravi des sommets à 6000 mètres dans les Andes ou, l’année dernière, le Kasbek en Géorgie, qui dépasse les 5000 mètres. Mais je n’ai pas l’ambition de gravir un 8000.
Vous ne recherchez pas la hauteur ?
Dans le temps, la hauteur était plus importante pour moi. Mais l’ascension d’un sommet, peut-être moins élevé mais plus difficile, est pour moi aussi intéressante désormais.
Un objectif personnel que vous aimeriez atteindre d’ici la fin de l’année ?
Faire autant de belles courses en montagne que possible.
Vous rechargez vos batteries…
Avant tout dans la nature, en pratiquant une activité physique : randonnée, alpinisme, escalade, jogging, ski ou randonnée à ski.
Votre destination de vacances préférée ?
Nous passons beaucoup de temps à Mürren dans l’Oberland bernois. Nous y avons un appartement où toute la famille se retrouve.
Où aimez-vous rencontrer les conseillers fédéraux ?
S’il s’agit de l’ancien conseiller fédéral Adolf Ogi, je dirais sur les pistes de ski. Sinon, la plupart des rencontres ont lieu dans les bureaux des conseillères et des conseillers fédéraux.
Qu’est-ce qui se trouve en tête de votre liste d’achat ?
Des livres. J’adore lire. Je vais souvent spontanément dans une librairie et achète quelque chose. Ce sera bientôt le cas. De plus, j’ai besoin de nouveaux mousquetons.
Quel livre se trouve sur votre table de nuit ?
Je suis allé récemment dans le Jura bernois visiter l’entreprise Camille Bloch. Son chef, Daniel Bloch, m’a offert son livre dont je viens de terminer la lecture.
Quel héros de film trouvez-vous le plus sympathique ?
Gandhi est pour moi la personnalité la plus impressionnante de l’histoire récente, sans doute avec Nelson Mandela.
Quel message souhaiteriez-vous faire passer à nos lecteurs ?
Je souhaite que nous apportions tous notre soutien à une économie florissante et innovante. Car elle est la base de la prospérité en Suisse.