Vous couvrez plus de 100 destinations dans 43 pays. Comment les passagers se différencient-ils d’un pays à l’autre ?
D’un côté, les groupes de clients se ressemblent toujours plus. De l’autre, on observe une augmentation du besoin en offres personnalisées, dans le monde mais aussi en Suisse. Nous essayons d’y répondre, indépendamment des différences culturelles.
« Le numérique et ses innombrables possibilités n’évinceront jamais complètement l’envie ou la nécessité de voyager. »
Qu’entendez-vous par offres personnalisées ?
Les clients utilisent plusieurs canaux lorsqu’ils préparent leur voyage, par exemple les plateformes en ligne, les médias sociaux ou aussi l’agence de voyage traditionnelle pour nous joindre. Chacune et chacun doit obtenir une réponse individuelle. Le vol lui-même peut être personnalisé : certains emportent volontiers des bagages, d’autres pas. Il en va de même pour les repas, l’offre de divertissement et bien d’autres choses encore. Nous devons relever le défi, satisfaire les souhaits spécifiques des clients et, en même temps, pour des raisons d’efficience, rationnaliser nos processus.
Comment satisfaire les passagers à bord ?
Le client doit se sentir bien et pouvoir déconnecter. Nos passagers mettent à profit le temps à bord pour lire des e-mails ou tout simplement pour ne pas être joignables pendant quelques heures. Ils veulent un bon programme de divertissement et des repas goûteux. Il est important également d’avoir un équipage qui sait comment traiter les différents passagers.
Où voyez-vous le plus grand potentiel d’optimisation ?
Lorsque, comme l’été dernier, l’espace aérien était saturé et l’infrastructure au sol au bord de l’implosion, nous devons nous occuper encore mieux des clients et les informer en cas de dysfonctionnement.
Dès lors, comment préparez-vous l’été 2019 ?
Nous mettrons en place des réserves supplémentaires pour les avions et les équipages pour éviter les surcharges ou nous essaierons de planifier différemment les routes coutumières des retards. Nous voulons améliorer les processus à bord et au sol. Nos règles sont très favorables aux clients mais conduisent souvent à des piétinements au moment de l’embarquement. En cas de dysfonctionnement, nous devons informer sans tarder nos clients des vols de correspondance et des options possibles. D’une manière générale, il faut étoffer les infrastructures dans les aéroports, comme ici à Zurich, afin de prévenir les perturbations.
Quelle importance Swiss accorde-t-elle à la prise en charge des clients au sol ?
C’est le point sur lequel nous nous démarquons de nos concurrents, en particulier pour les vols court-courriers. Je suis très satisfait de ce qui se passe à Zurich. En 2018, nous avons rénové nos salons au Dock A. Le nouveau SWISS First Lounge A offre à nos « clients privilège » un nouveau contrôle de sécurité dédié ou, par exemple, la possibilité de laisser leur manteau pour la durée de leur voyage lorsqu’ils s’envolent vers des contrées plus chaudes. Le secteur du check-in au terminal 1 brille d’un nouvel éclat depuis la fin de l’année dernière et incarne davantage les valeurs de notre marque.
Swiss investit dans de nouveaux avions. Où est le client dans cette décision ?
Première compagnie aérienne du monde à pouvoir exploiter les séries C de Bombardier (aujourd’hui Airbus), nous avons instauré dès le départ une collaboration très étroite entre le fabricant, nos techniciens et nos pilotes. Le client n’a pas été oublié lors du développement des avions. Preuves en sont, par exemple, les volumes réservés aux bagages, les grands hublots ou la cabine spacieuse.
Comment le comportement des clients a-t-il évolué en 15 ans ?
Le principal changement est certainement la manière dont les clients préparent leur voyage aujourd’hui, en ligne et sans contrainte de lieu. Nous devons nous adapter davantage à ce changement.
Cette situation a-t-elle un impact sur votre organisation ?
Nous recourons davantage au numérique. Par exemple, tous les équipages disposent aujourd’hui d’une tablette qui leur permet d’accéder à tout moment à des informations de client, à des produits ou de consulter les tableaux de service. La numérisation croissante se répercute aussi sur la maintenance des avions. Aujourd’hui, les machines envoient des données en continu. Nous les analysons pour savoir lorsqu’il est nécessaire d’échanger une pièce. Enfin, nous avons introduit une organisation matricielle pour exploiter encore mieux les synergies au sein du groupe et faciliter le transfert de savoir-faire.
Tournons-nous vers l’avenir : quels seront les besoins des passagers aériens dans dix ans, et quel sera leur comportement ?
Le besoin de mobilité devrait continuer de croître. Le numérique et ses innombrables possibilités n’évinceront jamais complètement l’envie ou la nécessité de voyager. Si c’est une bonne nouvelle pour nous, compagnie aérienne, nous ne devons pas nous reposer pour autant sur nos lauriers. Nous devons accorder la plus grande attention aux demandes spécifiques des clients, et essayer, en arrière-plan, de rationaliser certains processus. L’infrastructure aéroportuaire surchargée en Europe doit nous inciter à anticiper pour mieux réagir aux anomalies et prévenir les perturbations. Enfin, il est indispensable d’investir dans l’infrastructure physique. Ce qui, hélas, n’est pas fait en Europe actuellement.
À quoi ressemblera le secteur aérien de l’avenir ?
Après de nouvelles consolidations en Europe, il ne devrait rester au final pas plus de cinq grandes compagnies. Le groupe Lufthansa et avec lui, Swiss assumeront un rôle de leader. Je suis convaincu aussi que l’analyse de données nous permettra d’anticiper les évolutions. La question des données sera plus importante pour résoudre la contradiction entre personnalisation et rationalisation, des données qui seront, par ailleurs, toujours plus protégées. Le gagnant sera celui qui offrira les meilleures solutions dans ce conflit d’intérêts.
À quand les premiers avions sans pilote ?
Nous devrons sans doute patienter encore. Aujourd’hui, rares sont ceux qui accepteraient de monter dans un avion qui vole presque à une vitesse supersonique et dont la cabine de pilotage serait inoccupée. D’ailleurs, les nouveaux avions qui arrivent sur les tarmacs sont tous équipés de cockpits prévus pour des pilotes. On parle ici de milliers de machines qui voleront au moins 20 ans encore.
Techniquement, cela serait possible ?
En principe oui. Mais il peut toujours se passer des événements « hors norme » à bord. Nous sommes alors tous très heureux qu’un homme, ou une femme, puisse y réagir correctement.
Thomas Klühr
Questions brèves – réponses courtes
Work-Life Balance : comment atteignez-vous cet équilibre ?
J’imagine que je pourrais certainement l’améliorer. Mais je suis convaincu qu’un équilibre est impossible à tenir plus d’une semaine ou d’un mois, dans ma position. J’essaie de prévoir des temps de décompression pour améliorer mon Work-Life Balance.
Votre application préférée ?
Kicker.
Un moment fort récemment vécu dans votre vie privée ?
Ma fille a obtenu son master et commencé à travailler comme enseignante. C’est un moment particulier pour nous, les parents, même si nous n’y avons pas beaucoup contribué. J’étais très content pour elle.
Votre conseil le plus précieux au niveau professionnel ?
Rester authentique, faire ce qui nous fait plaisir et ne pas s’adapter continuellement, en croyant que c’est ce que l’on attend de nous.
Que vous souhaitez-vous au niveau personnel pour l’avenir ?
La santé pour ma famille et moi-même. C’est seulement lorsqu’on est malade et que tout est bouleversé qu’on prend conscience de son importance. Au niveau politique, je souhaiterais que l’on n’oublie pas ce qui a fait la grandeur de l’Europe et de la Suisse. Nous devons nous engager pour que les idées nationalises qui se propagent en Europe ne s’étendent pas davantage. Je considère cela comme une mission essentielle.
Votre plat préféré ?
Les nouilles au jambon.