Pour une communi­cation moderne et sûre

#flot_de_mails  #croissance  #communication_sûre
 

Écrire, chatter, téléphoner, échanger des vidéos, des fichiers. Une entreprise à Zoug, dirigée par Morten Brøgger, permet tout cela dans une seule application. Une de plus ? Pas vraiment. Celle-ci se démarque par une protection des données stricte et une joignabilité totale, et reconnaît deux tabous : la publicité et la vente de données de clients.

Texte: Eric Johnson | Photos: Markus Bertschi | Magazine: Homo digitalis – Juin 2018

À 14 ans, le fils de Morten Brøgger a plus de 15’000 e-mails non lus...

... et il en est fier. Car il n’a pas du tout envie de les lire. « Ils sont comme ça, les Milléniaux », nous dit le quarantenaire à propos de son fils qui vit à Copenhague, et il ajoute que les adolescents sont 90 pourcent à utiliser les réseaux sociaux et seulement 6 pourcent à écrire des e-mails. « Ils communiquent de manière très courte et percutante, sans les circonvolutions d’introduction et de conclusion, etc., usuelles dans les e-mails. C’est une autre manière de communiquer, ce n’est pas de la correspondance mais de la conversation. »

Les adolescents d’aujourd’hui sont bien entendu la main-d’œuvre de demain et leurs habitudes en matière d’écriture, tweet, chat, partage sont aujourd’hui déjà la norme pour beaucoup de leurs aînés. De nos jours, les tendances numériques ne naissent plus au bureau pour toucher ensuite la sphère privée, mais l’inverse. Le marché des applications est marqué par le segment de la clientèle privée. Si les applications réussissent le test d’utilisation privée, elles accèderont au monde de l’entreprise...

« Les e-mails sont pour la correspondance, les réseaux sociaux pour la conversation. »

Pourquoi les entreprises ne laissent-elles donc pas leurs collaborateurs reproduire les méthodes de communication de Brøgger junior ? Parce qu’elles ont deux choses à perdre : la protection et la sécurité des données. Les réseaux ouverts sont appropriés pour les adolescents qui ne cachent rien ou très peu de choses. Il est vrai que si les secrets personnels se limitent au rappeur favori, aux produits de beauté préférés ou au club de football de son cœur, il n’y a pas grand risque, en effet, à les divulguer. En revanche, les utilisateurs commerciaux ont quelque chose à cacher, et pas toujours peu. D’une manière générale, une certaine confidentialité est non seulement souhaitée mais souvent indispensable. Faites le test et posez la question autour de vous, par exemple chez Swisscom, FedEx, Pizza Hut et bien d’autres : les pannes de données peuvent conduire à des pertes financières, mais pas seulement. Les clients s’en vont et la réputation est mise à mal. Sans oublier les conséquences juridiques et les amendes pécuniaires.

Tel est le dilemme sur lequel Brøgger et son équipe ont voulu plancher : comment communiquer d’une manière à la fois très moderne et très sûre ? Leur réponse : un logiciel commercial (disponible aussi pour les particuliers) appelé Wire.

En deux décennies, après ses études à l’Université d’Aarhus au Danemark, son pays natal, Morten Brøgger s’est bâti une carrière impressionnante dans le monde des TI et de la communication. Chez Wire Swiss, il occupe déjà son troisième poste, comme CEO, après des intermèdes chez Huddle, fournisseur de logiciel de coopération, et chez Starhome Mach, spécialiste du roaming et du clearing. L’homme est un véritable globe-trotter qui passe la moitié de son temps en Europe et l’autre dans la Silicon Valley californienne. Il connaît la Suisse aussi, pour y avoir vécu en 2005 et 2006 en tant que chef de la division réseau fixe de l’opérateur de télécommunication Sunrise. Aujourd’hui, il vient régulièrement au siège social de Wire, à Zoug. En matière de numérique, il suit entièrement son crédo et utilise deux Smartphones (un avec un roaming international pour que ses enfants puissent l’appeler sans surcoût), un ordinateur et son propre produit comme application standard. En a-t-il parfois assez de la technique ? Pas vraiment, mais il reconnaît éteindre aussi ses appareils, notamment la nuit ou en avion.

Sortir de l’« enfer des e-mails »

« Les entreprises doivent accepter que leurs collaborateurs souhaitent utiliser les moyens de communication les plus modernes », remarque Brøgger. « Quant aux collaborateurs, ils doivent accepter eux aussi que ces outils soient sûrs. » Pour ce qui est de la sécurité, il poursuit : « Wire a élevé la sécurité à un niveau inédit. »

L’ancienne méthode consistait à faire transiter les réseaux habituels par des nœuds principaux ou des serveurs protégés par des firewalls. En cas d’attaque contre le firewall, toutes les informations sont en danger. Les voleurs de données peuvent se servir tranquillement. La nouveauté, avec Wire, est la mise en place d’un réseau doté d’un chiffrement décentralisé. Ici, pas de nœud central ou de serveur. Le flux de données suit le principe « peer to peer ». Le chiffrement n’est pas central mais local, spécifique à chaque appareil rattaché au réseau. Tous les codes de chiffrement sont actualisés lors de chaque message envoyé à l’appareil. « Chaque appareil est sa propre forteresse », explique Brøgger. En cas d’attaque, le hacker ne peut accéder qu’au dernier message, rien de plus. Hacker n’est pas impossible (et ne le sera jamais), mais ne vaut plus la peine.

Avec Wire, cette protection des données avec chiffrement se déroule simplement en arrière-plan. Pour l’utilisateur, l’application est une combinaison de Skype, WhatsApp, Snapchat, GoToMeeting, téléphonie mobile et autres applications, auxquelles elle ressemble d’ailleurs. Le pack comprend même le remplacement de jusqu’à 50 pourcent des e-mails professionnels, mais la majorité des utilisateurs ne recourent que très peu à cette fonctionnalité en raison de toutes les autres possibilités. Brøgger, utilisateur assidu de Wire, ce qui n’étonne guère, affirme que l’application l’a délivré de l’« enfer des e-mails ». « Certaines semaines, je ne reçois pas un seul e-mail de mes collègues. Nous communiquons autant, mais de manière plus courte et plus précise. »

Cap sur les entreprises

Si, au début, Wire s’adressait d’abord aux utilisateurs privés, la priorité est désormais mise sur les clients professionnels. Au début de l’année, une version pour les entreprises est arrivée sur le marché, déjà utilisée par plus d’une centaine d’entreprises. Le nombre estimé d’utilisateurs atteint au total près d’un quart de million, sachant que Wire est majoritairement utilisé durant les heures habituelles de bureau.

À la protection des données, principal argument de vente actuellement, devrait venir s’ajouter un autre, la disponibilité. Avec Wire Red, l’entreprise a enrichi très récemment son offre d’une « on-demand crisis collaboration infrastructure », soit un réseau de communication de backup. Les grandes entreprises ont toujours plus besoin d’un second réseau en cas de défaillance du réseau principal. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, ces pannes ont été omniprésentes mi 2017, lorsque le malware « NoPetya » a paralysé la communication de grandes entreprises telles que Maersk, Mondelez, Rosneft et TNT.

« Ces firmes ont perdu le contrôle de leurs réseaux et des centaines de millions de dollars », précise Brøgger. Avec Wire, elles auraient eu une solution décentralisée en arrière-plan. Pour l’utiliser, il aurait suffi de prendre le Smartphone et de se connecter. Il n’y a pas d’attente.

À moins d’être un vrai geek, il est probable que le nom de Janus Friis ne vous dise rien, mais tout le monde connaît Skype. Or, le premier est co-créateur du deuxième ce qui a fait de lui un milliardaire. Aujourd’hui, Friis est un jeune quadragénaire qui ne se repose pas sur ses lauriers. Il continue à travailler comme entrepreneur, notamment chez Wire qui emploie d’ailleurs un nombre important d’anciens collaborateurs de Skype. Wire existe depuis six ans et se concentrait au début sur les clients privés. Mais depuis, les clients commerciaux sont devenus une priorité, une mission que dirige Morton Brøgger depuis fin 2017. Les 50 collaborateurs de Wire sont principalement des développeurs et des ingénieurs au siège à Berlin, à côté d’une équipe de commercialisation dans la Silicon Valley et du siège social à Zoug. Pourquoi Zoug ? « La Suisse a les meilleures lois au monde en matière de protection des données », répond Brøgger. « La conscience des Suisses pour la protection des données, mais aussi pour la sécurité et pour la qualité est très marquée. Nous sommes faits pour être ici. »

www.wire.com

Un non très clair à la publicité

La concentration sur les clients commerciaux a pour conséquence agréable que Wire évite deux défis communs à toutes les applications de communication. L’un est l’effet de réseau : avec Wire, une entreprise dispose directement d’un réseau d’utilisateurs et n’a pas besoin d’investir un temps précieux à le mettre en place elle-même. L’autre concerne le choix de la source de revenu, c’est-à-dire les recettes de publicité ou le modèle de paiement. Wire adopte le modèle de logiciel traditionnel et facture par mois d’utilisation.

« Les entreprises doivent accepter que leurs collaborateurs utilisent les moyens de communication les plus modernes, et les collaborateurs doivent accepter la nécessité que ces outils soient sûrs. »

« Nous ne pourrions jamais vendre les métadonnées de nos clients comme le fait Facebook », explique Brøgger, « ne serait-ce que parce que nous ne récoltons pas ce type de données. » Wire a renoncé au modèle publicitaire en toute connaissance de cause, principalement parce que cela entre en contradiction avec sa fonctionnalité de protection des données, qui a été primée. Dans le contexte actuel de controverse sur et autour d’Internet et de la protection des données, notamment de l’usage intentionnellement abusif de données par des tiers comme Cambridge Analytica, Brøgger se montre peu surpris, hélas, comme il le dit lui-même. « Les pannes de données sont un sujet récurrent dans les informations. La protection et la sécurité des données sont aujourd’hui les deux thèmes principaux de la technologie. Sans doute, les réglementations seront-elles plus nombreuses et plus sévères à l’avenir, mais, dans le fond, il appartient aux entreprises de prendre les devants et de résoudre elles-mêmes ce problème. À force de trop attendre les ordres d’en haut, elles risquent d’avoir cessé leur activité d’ici qu’ils arrivent. »

Ecrire, chatter, téléphoner, échanger des vidéos et des fichiers en toute sécurité – Wire permet tout cela dans une seule application.

Morten Brøggers
Questions brèves – réponses brèves

Trois hashtags :
#flot de mails, #croissance, #communication sûre

Application favorite :
Wire, bien sûr. Puis SAS, United, Apple Music, Map My Run et Emily's Workout.

Premier téléphone portable :
Nokia 2110, avec une antenne à tirer.

Métier rêvé dans l’enfance :
je me suis toujours vu comme CEO.

Fond d’écran :
une photo de ma famille.