Peut-on éduquer la population au développement durable ?
Il est possible de faire évoluer les choses. Nous avons pu constater, par exemple, que la sensibilisation des enfants de l’école enfantine au recyclage exerce un effet positif. Ils rentrent chez eux et expliquent à la table familiale que les déchets doivent être triés. Et soudain, le tri des déchets et le recyclage fonctionnent mieux. Il vaut parfois mieux que ce soient les enfants qui disent aux adultes ce qu’ils doivent faire – et non l’État.
Comment encourager les entreprises à pratiquer leurs activités de manière durable ?
De nombreuses entreprises s’engagent déjà en faveur de processus économes en ressources et de modèles d’affaires écologiques. C’est d’ailleurs leur intérêt de le faire afin d’être préparées pour l’avenir. Nous leur fournissons un cadre de référence et leur montrons quels sont les principaux défis de l’avenir, par exemple sur la base de la stratégie climatique à long terme. Cela leur permet de planifier et de gérer leurs affaires de manière durable. Il est également important de promouvoir l’innovation, la recherche et la technologie et de faciliter le passage des activités de recherche et développement vers le marché. Enfin, la Confédération joue un rôle de pionnier dans le domaine des achats publics durables.
Quels sont, selon vous, les plus grands défis de la durabilité ?
Nous vivons clairement au-dessus de nos moyens. Notre mode de vie consomme bien plus de ressources que celles que la planète peut fournir durablement. Si tout le monde vivait comme nous en Suisse, il faudrait trois Terres comme la nôtre. Changer ce mécanisme est la principale difficulté.
Comment faire ?
En prenant toute une série de mesures. Il n’y a pas de vérité des coûts, c’est un gros problème. Les ressources naturelles sont trop bon marché et, de ce fait, sont surexploitées.
Quelles sont les questions qui vous préoccupent le plus actuellement ?
Les points les plus urgents sont le changement climatique, l’économie circulaire et la perte de biodiversité. Ce dernier problème constituera le prochain grand enjeu, parallèlement au changement climatique.
Pourquoi la biodiversité est-elle tellement importante pour nous en tant que société ?
Les écosystèmes, composés d’une grande variété de plantes et d’animaux et de leurs habitats, constituent la base fondamentale de la vie et le socle de la stabilité économique et, donc, sociale. Plus l’écosystème est diversifié, plus il est résilient. Cette résilience est en danger.
Que devons-nous faire pour y remédier ?
Tout d’abord, nous devons sensibiliser les gens à la perte de la biodiversité. Il s’agit d’un phénomène insidieux, bien plus difficile à expliquer clairement et à modifier efficacement que le changement climatique. Tout le monde comprend que nous voulons atteindre zéro émission nette de CO2 d’ici 2050. Ces objectifs accrocheurs sont importants. Dans le domaine de la biodiversité, l’objectif « 30 by 30 » fait actuellement l’objet de discussions entre les pays. D’ici 2030, 30 % des terres et des océans de la planète devraient être réservés à la conservation de la biodiversité.
« La question de savoir quelle pollution notre consommation cause à l’étranger est très importante. »
Quelles sont les ressources naturelles les plus importantes de la Suisse – et comment devons-nous les gérer ?
Comme je l’ai dit, nous ne pouvons pas vivre sans ressources naturelles. Une biodiversité saine et diversifiée est cruciale, car elle constitue l’ensemble de nos moyens de subsistance. L’eau est primordiale. La Suisse est bien positionnée avec ses réserves d’eau, mais il y a encore du travail à faire en ce qui concerne la qualité. Le sol, quant à lui, est densément peuplé et fortement utilisé. Et nous avons besoin d’air pur. Nous pouvons utiliser ces ressources et devons les protéger, notamment en renonçant aux solutions de fin de cycle.
Qu’est-ce que cela signifie ?
Que nous devons agir en amont et non pas commencer à lutter contre la pollution environnementale après coup. Nous devons éviter qu’elle ne se produise. Par exemple, intervenons sur le bruit à la source afin d’éviter de devoir prendre des mesures de protection acoustiques coûteuses pour essayer de protéger les gens du bruit de la circulation.
Les dégâts commis et subis ne sont-ils pas déjà irréversibles en grande partie ?
Les problèmes sont là, mais de nombreux progrès ont également été réalisés. Notre travail de surveillance montre que nous avons beaucoup progressé dans le domaine de l’air, ces 20 dernières années. Ou avec les cours d’eau : aujourd’hui, nous nous baignons dans l’Aar à Berne. Dans les années 1970, c’était impensable, l’eau moussait. La lutte contre le changement climatique et la protection de la biodiversité sont des domaines dans lesquels nous devons clairement aller de l’avant.
Selon vous, quelles opportunités offre un développement durable bien mené ?
Dans le fond, il s’agit de préserver nos moyens naturels de subsistance pour nous, nos enfants et nos petits-enfants. Pour l’économie, c’est une opportunité et un marché de croissance mondial, par exemple dans le secteur des cleantechs. En tant que championne de l’innovation, la Suisse en profite également.
Quelle priorité le thème du développement durable doit-il avoir pour un-e CEO ou pour la direction ?
Pour moi, il est au centre de toute stratégie et doit donc être traité par la direction. C’est d’ailleurs le cas, au plus tard lorsque la question devient financièrement pertinente. Ce n’est pas anodin si de nombreuses entreprises ont désormais créé la fonction de Chief Sustainability Officer.
Quel est, à votre avis, le rôle que jouent l’économie et les entreprises qui y participent dans la réussite de la transition vers plus de développement durable ?
Avec l’écologie/l’environnement et les questions sociales, l’économie est un pilier du concept de développement durable. Elle est source d’innovations et fait progresser les technologies. Les entreprises ont donc un rôle central à jouer.
Qu’est-ce que cela signifie concrètement pour les entreprises suisses dont les activités dépassent souvent aussi les frontières de la Suisse ?
Les trois quarts de l’impact environnemental total des Suissesses et des Suisses sont générés à l’étranger. Cela rend le contexte international et la question de l’impact environnemental causé à l’étranger par notre consommation très importants. Il y a une grande responsabilité tout au long de la chaîne d’approvisionnement, mais également pour les exportations. Cela concerne toutes les entreprises et en particulier les grandes entreprises qui ont leur siège dans notre pays. Car les problèmes environnementaux, comme je l’ai dit, ne s’arrêtent pas à la frontière.
Comment les consommatrices et les consommateurs peuvent-ils influencer la production durable au travers de leur demande ?
Prenons nos responsabilités et changeons les choses. Il y a trois domaines de la vie qui sont fondamentaux : la mobilité, le logement et l’alimentation. Nous décidons de quelle manière nous nous déplaçons et quels véhicules nous achetons. En matière de logement, nous pouvons choisir la surface que nous occupons et influer sur la consommation d’énergie. Et en ce qui concerne la nourriture, nous pouvons réduire le gaspillage alimentaire et acheter des produits locaux et de saison. De manière générale, il me semble important de prêter attention à la durée de vie des produits que nous consommons, et de penser et d’agir de manière circulaire dans la mesure du possible.
Katrin Schneeberger – à titre personnel
Quelles sont les réalisations que vous souhaitez pouvoir évoquer dans 30 ans ?
Nous souhaitons avoir mis en œuvre la stratégie « zéro net » d’ici 2050. Je serais donc particulièrement heureuse que ce projet aboutisse et que nous n’émettions plus de gaz à effet de serre en Suisse.
Quel est, pour vous, le plus bel endroit du monde ?
Il n’y a pas un endroit unique. Le plus bel endroit est toujours celui où je suis en bonne compagnie, avec des amis ou en famille.
Comment rechargez-vous vos batteries ?
En faisant du sport, autour d’un bon repas, le week-end dans la nature – ou dans une grande ville riche en culture.
Qu’est-ce qui vous laisse songeuse ?
Le non-respect de l’environnement et l’hypocrisie des gens.
Qu’aimeriez-vous transmettre à la prochaine génération ?
Qu’il vaut la peine de s’engager pour sa propre cause, tout comme il vaut la peine de rester fidèle à soi-même et à ses convictions.
Que vous a appris la pandémie de COVID-19 ?
Que l’on ne doit jamais se laisser bercer par un faux sentiment de sécurité. Et que toute médaille a deux faces. Pour chacun d’entre nous, la pandémie a été et reste dramatique. En même temps, l’adversité nous rend flexible, inventif, favorise la créativité et crée un potentiel pour que survienne quelque chose de nouveau.