Changer requiert de la patience
Techniquement, l’utilisation est possible aujourd’hui déjà. Mais il faudra encore du temps jusqu’à ce qu’elle s’impose en pratique et, d’abord, que le Smartphone s’établisse comme solution de paiement. Même si un grand nombre de personnes utilisent déjà la nouvelle technologie et l’intègrent dans leur quotidien, il faudra encore du temps pour changer les habitudes. « Twint est clairement le numéro 1 avec 800’000 utilisateurs enregistrés. Mais, on sait qu’un nouveau comportement n’est véritablement adopté que lorsqu’il est devenu la norme », commente Kneissler. Et pour cela, il faudra patienter encore.
Pour illustrer son propos, il cite le paiement sans contact avec la carte de crédit. Fondamentalement, il ne s’agit ici que d’une fonction supplémentaire à un moyen de paiement parfaitement introduit depuis des années. « Le paiement sans contact est de mieux en mieux accepté. Lancé il y a sept ans déjà, son taux d’acceptation a été faible dans les premières années », nous explique le chef de Twint. En Suisse, une innovation met beaucoup plus de temps à s’imposer sur le marché qu’en Asie ou dans les pays scandinaves.
Rapport ambigu à l’anonymat
Ce désamour est souvent imputé à des préoccupations sécuritaires ou à la perte de l’anonymat associées au nouveau mode de paiement. Or, il est en contradiction flagrante avec le comportement habituel de la population suisse. « Par rapport à l’étranger, le nombre de consommateurs qui acceptent les programmes de fidélisation de la clientèle est ici très important », nous dit Kneissler. Pourtant, les données récoltées par les commerçants donnent une vision bien plus précise de la vie privée des clients que ne le ferait Twint. Et dans les médias sociaux, de nombreux utilisateurs renoncent volontairement à leur anonymat. « Lorsque l’on voit comment les gens se comportent en certaines circonstances, on peine à comprendre leur défiance face à Twint qui respecte à la lettre les normes de sécurité des banques suisses », poursuit-il. « De toutes les méthodes de paiement mobiles, Twint est la plus sûre. Y compris en termes de protection des données, car l’application n’a pas besoin, contrairement au commerce en ligne, que le client fournisse des données personnelles comme un numéro de carte de crédit, etc. »
« En tant que chef, je dois aussi être mobile »
Tout va plus vite
Dans l’ensemble, la numérisation rencontre toutefois un écho très positif. La majorité d’entre nous possède un Smartphone et dispose d’une connexion privée à Internet. Ce qui nécessitait plusieurs heures autrefois est exécuté aujourd’hui en quelques secondes. « Tout va plus vite que dans le temps, tout est plus frénétique », constate le chef de Twint. Joignables partout et en tout temps, nous avons toujours plus de peine à résister à la dictature de l’immédiateté. « J’essaie de me préserver dans toute la mesure du possible », poursuit Kneissler. Mais plus la pression est grande au travail, moins il y parvient. Même pendant les vacances, il ne réussit pas à déconnecter entièrement. « J’essaie de respecter des horaires fixes pour travailler, et de ne pas déroger à cette règle », dit-il. Père de deux enfants, il refuse d’être joignable en tout temps. Une ligne de conduite qu’il veut transmettre aussi à ses enfants. Le soir, les appareils électroniques restent dans la cuisine.
La mobilité, un défi
La numérisation est aujourd’hui particulièrement indissociable du monde du travail. Pour sa part, Kneissler est passé au bureau sans papier. Grâce à son ordinateur portable et à son Smartphone, il travaille n’importe où, il n’a plus besoin d’un poste de travail à lui. Comme les autres collaborateurs, il utilise n’importe quelle table libre dans l’ancienne laiterie transformée en bureaux pour Twint à Berne. Tout le monde communique par e-mail, par messagerie instantanée ou par visioconférence, et ce nettement plus qu’auparavant. « En tant que chef, je dois être très mobile aussi », dit-il. Il affirme pourtant accorder beaucoup d’importance à la présence physique de tous les participants, si possible, lors des réunions de direction. Diriger une équipe décentralisée exige aussi de faire confiance. Faute de pouvoir tout contrôler en raison de la distance, il faut pouvoir se fier aux gens. Le choix des partenaires avec lesquels il veut travailler est d’autant plus minutieux.
Apprendre à agir de manière responsable
Dans l’ensemble, les avantages de la numérisation l’emportent largement pour Kneissler, et la tendance devrait se poursuivre. Il attend d’importantes avancées notamment dans les secteurs de la santé et de la mobilité. « Dans 20 ans, nous n’aurons probablement plus nos propres voitures, ce qui aura une influence considérable sur le paysage urbain », nous dit Kneissler, fervent usager des transports publics.
Enfin, l’importance de l’industrie des loisirs augmentera si les gens ont davantage de temps disponible grâce à la numérisation. « Reste à savoir si nous l’utiliserons pour notre épanouissement personnel ou si nous le passerons sur les médias sociaux », remarque-t-il. Comme toujours, lorsque quelque chose est nouveau et bouleverse les habitudes, il faut d’abord apprendre à agir de manière responsable. « Il y aura certainement des excès qu’il faudra corriger », déclare-t-il avec conviction. Mais une chose est sûre pour Kneissler : les gens ne veulent plus reculer.
Thierry Kneissler
Questions brèves – réponses brèves
Fond d’écran du Smartphone:
Une photo de l’ascension du Mont Fuji, avec la famille, tôt le matin.
Métier rêvé dans l’enfance:
Pilote (mais vite oublié)
Carrière:
École, gymnase, études d’économie. Puis intérêt pour le secteur bancaire (banque cantonale et Postfinance).
Premier téléphone portable:
Un Sony Ericsson, rouge, relativement fin. Je ne me souviens plus du modèle, mais j’étais un des rares à ne pas avoir de Nokia.