Monsieur Coppetti, il y a un an, vous avez emménagé avec On dans l’imposant nouveau siège de Zurich, où nous nous trouvons actuellement. Avec quelle vision avez-vous fondé l’entreprise douze ans auparavant ?
Lorsque nous avons commencé, nous n’avions aucune idée de la taille que pourrait prendre l’entreprise. Nous espérions atteindre un jour un chiffre d’affaires d’environ 20 millions, afin qu’On puisse se suffire à elle-même. Les choses se sont ensuite passées un peu différemment.
C’est vrai, en 2022, vous avez franchi la barre du milliard. À quel moment avez-vous réalisé qu’On deviendrait beaucoup plus grande que vous ne l’auriez jamais imaginé ?
Cela s’est produit pendant la pandémie de coronavirus. Pendant le coronavirus, nous nous sommes fortement développés aux États-Unis. Au début, nous ne nous en sommes pas vraiment rendu compte, car nous ne pouvions pas voyager. Lorsque nous sommes revenus à New York en 2021, après plus d’un an, pour préparer l’introduction en bourse, nous avons d’abord pensé que quelqu’un avait engagé des acteurs pour se promener avec nos produits. Il y avait partout des gens qui portaient des chaussures On. Entre-temps, nous nous y sommes un peu habitués. Aux États-Unis, toutes les couches sociales portent nos chaussures, des coureurs acharnés aux fans de fitness en passant par les étudiants.
« Je pensais que quelqu’un avait engagé des acteurs pour porter nos chaussures »
Comment cette croissance soudaine s’est-elle produite ?
Il n’y a pas de moment magique. Mais nos recherches montrent que chaque personne qui possède une chaussure On recommande la marque à dix personnes. C’est ainsi que la croissance exponentielle se produit. Depuis le premier jour, nous avons connu une croissance annuelle moyenne d’environ 80 %, un peu moins du fait de l’augmentation de la taille.
On dirait que le marketing n’a même pas été nécessaire …
Nous travaillons bien sûr avec des influenceurs et faisons aujourd’hui aussi de la publicité. Mais ce sont les choses que nous ne planifions pas qui ont le plus d’impact. Lorsque l’acteur Dwayne « The Rock » Johnson est monté sur scène au Super Bowl 2019 avec l’une de nos chaussures, ce modèle a ensuite été constamment en rupture de stock pendant deux ans. Beaucoup pensent que c’est nous qui avons organisé cela, mais Johnson est sous contrat avec une autre marque. C’était simplement de la chance. Et nous n’en avons rien su jusqu’à ce que cela se produise.
« Depuis le premier jour, nous connaissons une croissance moyenne d’environ 80 % par an. »
Dans le secteur de la mode, il n’est pas facile pour les nouvelles marques de se faire un nom. Pourquoi On y est-elle parvenue ?
Grâce à une technologie innovante et à notre stratégie. Nous avons réussi à convaincre les bons leaders d’opinion dans le domaine de la course à pied de l’intérêt de notre marque. De plus, nous sommes la première marque de sport à évoluer dans le segment premium. Nous sommes donc plus proches de Louis Vuitton que d’Adidas. Cela se voit aussi à notre marge brute de près de 60 %. La concurrence travaille en moyenne à 45 %.
Mais revenons une fois encore à vos débuts. Comment avez-vous obtenu des clients sans gros budget marketing ?
Il y avait deux approches : d’une part, nous voulions que les meilleurs coureurs portent nos chaussures et, d’autre part, nous voulions convaincre les détaillants spécialisés dans la course à pied de l’intérêt de notre marque. Au début, nous avons surtout eu du succès auprès des coureurs blessés qui ont pu reprendre le sport avec nos chaussures. L’ancienne triathlète Nicola Spirig en est un exemple. Heureusement, quelques coureuses et coureurs qui portaient nos chaussures ont également remporté des titres de champions d’Europe ou du monde. C’est ainsi que d’autres athlètes ont découvert On.
« L’arrivée de Roger Federer et l’introduction en bourse nous ont hissés à un tout nouveau niveau de notoriété. »
Et auprès des détaillants ?
Les convaincre a été la partie la plus difficile. Au début, nous leur avons envoyé une paire de chaussures et leur avons demandé d’aller faire du jogging avec, car nous étions tellement convaincus de notre technologie de semelle spéciale. Mais cela n’a pas fonctionné. C’est pourquoi, pendant une phase d’environ trois ans, nous avons personnellement emmené environ 1 000 personnes faire du jogging chaque année.
Vous alliez simplement dans le magasin et disiez au gérant : « Viens, on va courir un peu ensemble » ?
Exactement. Parfois, je téléphonais à des commerçants de New York ou de Hambourg en prétendant que j’étais sur place et que je voulais faire un jogging avec eux. Si l’un d’eux mordait à l’hameçon, je réservais le prochain avion et l’hôtel le moins cher et je me rendais sur place. L’un d’eux a par exemple commandé douze paires de chaussures après le premier tour. Aujourd’hui, le même commerçant en vend 20 000 paires par an. Je pense que le mordant que nous avions à l’époque et notre foi absolue dans le fait de convaincre une personne à la fois ont probablement fait la différence.
Depuis 2021, On est cotée à la bourse de New York. Quelles sont les portes que l’introduction en bourse vous a ouvertes et qui seraient restées fermées autrement ?
L’accès au marché des capitaux américain, mais aussi au savoir-faire local, sont deux de ces portes. Au début, nous aurions préféré entrer en bourse en Suisse. Mais ici, nous aurions été le seul fabricant d’articles de sport, alors qu’aux États-Unis – qui constituent d’ailleurs notre plus grand marché (avec environ 60 % du chiffre d’affaires du groupe en 2022 ; ndlr) – nous sommes un fabricant parmi d’autres. Les questions que les analystes et les investisseurs nous posent là-bas nous font avancer. Et la concurrence avec les entreprises les plus performantes du monde nous pousse à nous améliorer.
« Il est important d’avoir un rêve et de pouvoir le réaliser. »
Et la cotation aux États-Unis vous aide certainement à gagner en notoriété sur votre marché le plus important jusqu’à présent, non ?
Il y a eu deux moments qui nous ont permis de nous hisser à un tout nouveau niveau de notoriété. Le premier a été la participation de Roger Federer en tant qu’investisseur, le second l’introduction en bourse. Sur Google Search, les recherches ont augmenté d’un coup de 50 % après ces deux événements – et elles ne se sont pas ralenties par la suite.
Parlons de Roger Federer : son arrivée en 2019 s’est accompagnée des débuts dans un nouveau sport – le tennis. Y a-t-il des projets d’expansion dans d’autres disciplines sportives ?
Nous sommes arrivés au tennis comme par enchantement, par l’intermédiaire de Roger Federer. C’est devenu un véritable succès. Bien que pour nous, le tennis professionnel est plutôt un moyen de faire connaître la marque et de prendre pied dans la culture des jeunes, car la chaussure en cuir blanc fait partie des accessoires de mode les plus importants. Mais ce sont toujours les coureurs qui constituent la majeure partie de notre clientèle, et non les joueurs de tennis. Notre objectif déclaré est de devenir le numéro un mondial de la course à pied. Actuellement, nous occupons la cinquième ou sixième place.
Comment le savez-vous ?
Deux fois par an, nous comptons les chaussures sur les parcours de course à pied les plus connus dans les 60 plus grandes villes de nos marchés, à l’aide d’une application spécialement développée à cet effet. C’est ainsi que nous déterminons notre part de marché. Mais nous fabriquons aussi des produits outdoor : des vêtements, des chaussures de trail-running et de randonnée. En outre, nous avons beaucoup de succès auprès des personnes qui s’entraînent dans les centres de fitness. Il est probable que près de la moitié des gens font leur jogging sur un tapis roulant et non à l’extérieur, comme nous le connaissons en Suisse. Dans le domaine du fitness, où les chaussures On sont déjà bien représentées dans les meilleurs studios, nous souhaitons progresser de manière significative dans le domaine des vêtements et des chaussures d’entraînement spécifiques.
Vous voulez donc devenir le plus grand fabricant de chaussures de course à pied ?
La taille en soi n’est pas notre ambition. Mais notre objectif est de devenir les plus appréciés et les plus rentables.
À propos de rentabilité, on dit que vous avez fait des bénéfices pour la première fois l’année dernière, c’est exact ?
Non, c’est un malentendu très répandu. Nous avons atteint le seuil de rentabilité dès 2014 et sommes devenus plus rentables chaque année depuis. Lorsque nous sommes entrés en bourse, cela a changé parce que nous sommes passés à la norme comptable internationale IFRS. À cela se sont ajoutés des effets spéciaux dus à l’introduction en bourse, comme les rémunérations sous forme d’actions. Nous sommes très conservateurs en matière de finances et nous nous sommes toujours dit que nous ne sommes des entrepreneurs que si nous gagnons de l’argent.
Cette attitude vous a souvent été reprochée à l’étranger …
En Suisse, il est amusant d’entendre le contraire : nous serions beaucoup trop ambitieux et trop américains. Je pense que c’est justement cet équilibre qui fait la différence.
« Nous voulons devenir le numéro un mondial de la course à pied. »
